Analyse de Copart (CPRT$)
Copart est une entreprise de vente de voitures aux enchères. Elle fait le lien entre des acheteurs et des vendeurs, le tout sur une plateforme en ligne ultra efficace et globalement scalable dans tous les pays.
Une entreprise efficace donc avec un management doué à l’attaque d’un des plus gros marchés du monde.
Le Business :
Copart est un business simple : elle met en relation des conducteurs qui souhaitent vendre leur véhicule avec des acheteurs, sur le site Internet de l’entreprise. Les enchères se passent donc en ligne sur une plateforme breveté !
Les vendeurs sont essentiellement des compagnies d’assurance (+ de 70%) qui récupèrent des véhicules accidentés ou complètement détruits ; les acheteurs eux sont principalement des professionnels de l’auto tels que des garagistes, des vendeurs de voitures d’occasion et des particuliers.
L’entreprise se rémunère grâce à des frais pour l’utilisation de la plateforme et et en prélevant un % du prix de vente du véhicule, ce qui lui permet de percevoir des frais toujours plus importants grâce à l’inflation du prix des voitures. D’autres frais sont également perçus sur le stockage des voitures sur les terrains de Copart et pour la livraison des voitures.
L’entreprise est également active dans l’achat-revente de véhicule pour compte propre, ce qui représente moins de 20% du CA.
Son secteur est également porteur : aux US, l’âge moyen d’un véhicule tout comme les kilomètres parcourus augmentent chaque année, ce qui implique une hausse des accidents et la fréquence des pertes totales (lorsque le coût de réparation est supérieur à la valeur du bien. En général le véhicule part donc directement à la casse pour pièces). L’augmentation du prix des pièces auto est également un facteur qui augmente la fréquence des pertes totales.
Cette métrique-là est en hausse continue et pourrait atteindre, selon le PDG, 30% à horizon très long-terme, ce qui accentuerait encore la demande pour les services de Copart.
Fréquence des pertes totales.
Sans oublier que le parc automobile mondial est en constante augmentation, ce qui tire les revenus de Copart.
Pour se développer, la stratégie de l’entreprise est simple :
acquérir de nouveaux espaces de stockage de voitures dans des endroits clés, marchés internationaux inclus, ce qui permet de servir toujours plus et plus rapidement les clients;
signer de davantage de contrats avec les vendeurs de véhicules (principalement les assureurs)
accroître leurs offres de services (logiciels principalement)
et enfin s’implémenter dans de nouveaux marchés (Europe, Brésil, Moyen-Orient)
L’une des principales force de Copart réside dans sa plateforme en ligne et les avantages qu’elle lui procure. Contrairement à tous leurs concurrents qui font uniquement des ventes physiques ou hybride, Copart est spécialisé dans les ventes en ligne, ce qui leur permet d’atteindre plus d’acheteurs.
De plus, Copart jouit d’un avantage concurrentiel immense : l’effet de réseau. Simplement, plus il y a d’utilisateurs sur la plateforme, plus cela va attirer de nouveaux acheteurs et vendeurs qui auront un intérêt à utiliser la plateforme de Copart, ce qui va créer une boucle de rétroaction positive. In fine, le plateforme grossit et prend toujours plus de part de marché (comme Facebook et Booking par exemple).
Cet effet réseau est d’autant plus exceptionnel qu’il est difficile à dupliquer, notamment grâce aux brevets de l’entreprise.
L’entreprise investit également massivement dans de nouveaux terrains pour stocker les véhicules, ce qui lui permet d’avoir un maillage et de couvrir de larges zones aux Etats-Unis comme à l’international, réduisant le temps de transport des voitures et favorisant Copart comme intermédiaire pour toute enchère.
Actuellement l’entreprise est leader de son secteur avec 43% de part de marché.
Enfin, l’entreprise est bien positionné d’un point de vue environnemental puisqu’elle permet de diminuer la demande de pièces détachées neuves grâce aux pièces des véhicules vendues.
Les Risques :
Copart fait face à globalement peu de risques, si ce n’est la tendance des véhicules électriques, qui comporte peu de pièces et devrait donc réduire l’appétit des acheteurs qui sont là pour les pièces détachées (et moins de volumes de ventes pour Copart). Cependant cette tendance sera en partie atténuée par les coûts de réparation des voitures neuves - celles remplies de technologies, en particulier les électriques - plus élevés, ce qui réduit la valeur du véhicule au fur et à mesure qu’il vieillit, au point que les réparations sont plus susceptibles de lui faire franchir le seuil de la perte totale.
Les concurrents sont principalement des entreprises de ventes aux enchères mais aussi des compagnies de démantèlement de véhicules, tels que Insurance Auto Auctions (40% PdM) ou LKQ Corporation.
Copart a cependant une position dominante avec une PdM de 43%.
L’entreprise s’expose également à des taux de change qui peuvent être parfois très instables et défavorables (Brésil, Moyen-Orient).
Le Management / Actionnariat :
Copart est actuellement dirigée par Jeffrey Liaw et Aaron Adair, présents depuis 2016 et 2010, signe de longévité et de bonne gestion. Le conseil d’administration est également constitué de très anciens membres, qui connaissent l’entreprise. Le fondateur, Willis Johnson ainsi que Aaron Adair détiennent respectivement 5,6% et 3,4% du capital (management skin in the game).
En plus d’être investie personnellement, les deux dirigeants sont payés principalement en actions et en bonus (lié à la performance opérationnelle de l’entreprise), notamment Aaron Adair qui a un salaire annuel de base de 1$.
Le intérêts du management sont donc très liés à ceux des actionnaires.
Assez souvent l’entreprise dépasse les estimations de ventes et de BPA, ce qui souligne la prudence du management qui ne cherche pas juste la hausse du titre à court-terme. Encore un élément favorable pour le management.
Les Chiffres :
On l’a vu, l’entreprise est bien dirigée et dispose surtout d’un business en or, soutenu par des vents très favorables.
Ces facteurs-là se retrouvent dans le chiffre d’affaires du groupe, qui affiche une croissance inépuisable et constante depuis plus de 20 ans.
Chiffre d’affaires annuel en Md$.
La croissance moyenne du CA depuis 2014 est de 14,8% par an et de 10% sur l’exercice 2023.
Cette croissance très forte a notamment été permise par la croissance du marché, des gains de part de marché, des acquisitions, le développement de la plateforme VB3 ainsi que l’augmentation des frais perçus.
Ces chiffres sont encore plus impressionnants quand on s’aperçoit qu’il s’agit d’une “croissance rentable”. Le management ne cherche pas qu’à faire croitre le CA, mais également les bénéfices.
Bénéfice par action de Copart
La croissance du BPA est donc significative, puisque qu’en moyenne il a augmenté de 22% par an sur les 10 dernières années et 13,3% en 2023 !
Cette croissance plus forte du BPA que du CA a été permise par l’expansion des marges nettes, qui sont passées de 15,4% à 32% en l’espace de 10 ans, le tout sans dilution ou presque !
Ces marges soulignent également les avantages concurrentiels du groupe.
Elles sont en effet supérieures à ceux de Insurance Auto Auctions, son concurrent proche : 13,9% seulement.
Les ROCE, ROE et ROIC sont également impressionnants et au-dessus de la moyenne et des compétiteurs et le ROIC est bien supérieur au coût du capital.
Ratios de rentabilité de Copart en %
Du côté du bilan, le management a une gestion très saine puisque l’entreprise a une dette ridicule de 115M$, largement couverte par le cash de l’entreprise (2 670M$) et les Free Cash Flow (850M$). Le cash de l’entreprise pourra être utilisé pour saisir des opportunités d’acquisitions rapidement. En attendant, il génère de copieux intérêts à plus de 4% de rendement (112M$ d’intérêts perçus sur les 12 derniers mois).
Levier financier de Copart en M$
Enfin, quand on regarde le tableau des flux de trésorerie, on constate que :
l’entreprise réinvestit assez significativement : les capex s’élèvent à près de 40% des cash flow opérationnels et le cash conversion est donc assez bas;
Copart ne redistribue rien aux actionnaires !
En effet, l’entreprise a une politique de réinvestissement important dans de nouveaux terrains comme on a pu le voir, et cela a un coût ; mais c’est aussi ce qui permet à l’entreprise d’avoir des flux de trésorerie assez stables dans le temps, grâce à un avantage concurrentiel qui s’est bâti avec aux investissements du passé !
FCF de Copart en M$.
Copart ne redistribue donc rien aux actionnaires (rachats d’actions + dividendes), puisqu’elle dilue même très légèrement ses actionnaires pour payer les salariés en actions. Aucun dividende prévu non plus.
Les actionnaires devront donc se contenter de la performance opérationnelle du groupe. En revanche, l’entreprise consolide fortement son bilan en achetant régulièrement des actifs financiers.
La Valorisation :
Copart est bourré de qualité, personne ne doute là-dessus. La supériorité de son business model lui permet d’afficher des marges extravagantes, et le dynamisme du marché, une croissance folle de son CA et BPA.
Cependant, cette qualité se paye. L’entreprise est fortement valorisée, surtout lorsque l’on regarde la situation macro (inflation, atterrissage en douceur, taux d’intérêts). Je pense que l’entreprise est perçue par les marchés comme une action défensive, et jouit en parallèle d’une forte croissance, ce qui pousse la valorisation de l’entreprise sur des sommets.
Pour valoriser l’entreprise, nous allons utiliser la méthode des DCF en prenant les paramètres suivants :
WACC (coût moyen pondéré du capital) de 9,7%
beta de 1,2
prime de risque de 4,6%
rendement obligataire à 10 ans de 4,2%
coût de la dette de 4,2% (identique au rendement obligataire par manque de données, mais aucun impact vu le montant de la dette)
FCF de 850M$
Ainsi, nous obtenons trois prix en fonction des scénarios de croissance (l’action cote actuellement autour des 55$) :
➡️ 6% de croissance : 16,2$ ❌
➡️ 12% de croissance (taux de croissance du secteur) : 20$ ❌
➡️ 18% de croissance (taux de croissance des 10 dernières années) : 24,6$ ❌
Dans les trois scénarios, l’entreprise ressort comme surévaluée.
Regardons cette fois avec des ratios plus classiques :
PER moyen sur 10 ans : 27 vs. PER actuel : 38 🔴
P/FCF moyen sur 10 ans : 47 vs. P/FCF actuel : 60 🔴
Même en utilisant des ratios plus classiques, Copart paraît également surévaluée. Toutefois, au vu de ses qualités, si la situation macro ne s’arrange pas dans les prochains trimestres, l’action pourrait continuer à bien performer grâce à son profil défensif. Il faut donc y aller avec prudence, car ces niveaux de valorisation sont très exigeants.
Conclusion :
Points forts :
Business model supérieur soutenu par des vents favorables
Croissance significative à prévoir avec l’internationalisation de ses activités et ses investissements sur le continent américain
Effet de réseau (MOAT)
Bilan parfait
Points faibles :
Moins de volumes de ventes avec les véhicules électriques ?
Valorisation très exigeante
Aucun retour à l’actionnaire
Copart. Ces six lettres que peu de gens connaissent mais qui ont fait la fortune de ses fondateurs. Une entreprise magnifique et qui jouit d’un effet réseau immense et d’un bilan que beaucoup aimeraient avoir.
En revanche, la valorisation actuelle peut faire peur. Mais si une occasion se présente, ça pourrait bien être l’un des meilleurs business à détenir dans son portefeuille.
PS : je ne suis pas actionnaire de Copart.
Cette note d’analyse n’est pas un conseil en investissement et ne pourrait être considérée comme tel.